Le Château de Maurepas, une copropriété privée rennaise de 70 logements en R +6, fait figure d’exemple en matière de rénovation énergétique. En 2011, une majorité des copropriétaires, sous l’impulsion de Gilles Quignon, membre du conseil syndical et membre fondateur de l’Armec, se positionnait en faveur d’une facturation de chauffage selon la consommation réelle des logements, et non plus selon les tantièmes.
Le chantier
Située rue de Fougères et gérée par un syndic, le Cabinet Lecomte, la copropriété Château de Maurepas est accompagnée par l’Armec et Rennes Métropole (Territoire) depuis le début de son processus de rénovation énergétique. En 2009, un audit thermique évalue sa consommation énergétique et classe l’immeuble en D. L’objectif étant d’atteindre le niveau B. L’immeuble est alors chauffé au gaz de ville. Pour y parvenir, plusieurs actions ont été mises en place, comme l’installation de répartiteurs de frais de chauffage (RFC) et de robinets thermostatiques sur les radiateurs si besoin, la pose d’une isolation thermique par l’extérieur (ITE), d’une isolation du plancher bas, de l’étanchéité des balcons et du remplacement des garde-corps, le changement des brise vue des celliers, la pose d’une vanne différentielle à l’arrivée du chauffage dans chaque logement en vue d’optimiser l’équilibrage de l’installation, et la mise en place d’une ventilation hybride, ainsi que le changement de fenêtres pour du double vitrage entrepris par certains copropriétaires. Ont été également réalisés la modernisation de l’éclairage des parties communes et la désinstallation de la chaufferie gaz pour un raccordement au Réseau de Chauffage Urbain de la Ville de Rennes, un des plus importants réseaux de France. L’isolation du plancher haut ainsi que des tuyauteries ECS et chauffage ont été terminées en 2010. Le chantier s’élève à près de 2 millions d’€ hors subventions et aides. « Tous les travaux ont été orchestrés par un maître d’œuvre, le cabinet David Tranquille et nous avons une aide de 35 % du montant HT des travaux d’économie d’énergie, explique Gilles Quignon. Notre objectif est de passer de 210 à 75 Kwh/m2/an pour obtenir notre label BBC ».
L’installation de compteurs individuels de chauffage
L’individualisation des frais de chauffage est en effet une obligation légale (loi relative à la transition énergétique du 17 août 2015, renforcée par la loi Elan) visant à réduire l’empreinte carbone du bâtiment et favoriser le pouvoir d’achat. Depuis fin octobre dernier, chaque résident doit désormais avoir un accès régulier à sa consommation individuelle d’énergie (chauffage mais aussi climatisation et eau chaude sanitaire) lorsque son logement se situe dans un immeuble équipé d’une installation centrale de chauffage. L’ensemble des appareils devaient être installés avant le 25 octobre 2020. En septembre 2011, la pose de compteurs individuels de chauffage sur chaque radiateur est donc votée en assemblée générale. « Il n’a pas été simple de convaincre tous les copropriétaires de l’intérêt de poser des RFC, constate Gilles Quignon. Mais lorsque les charges de chauffage deviennent individuelles et sont indexées sur la consommation réelle de chaque foyer, et que l’on constate que son voisin a une facture de chauffage moins élevée du fait de la pose d’un répartiteur par radiateur permettant d’affiner sa gestion de consommation d’énergie, on observe un changement de comportement de la part des résidents qui sont encouragés à faire attention. Dans ce chiffre, les RFC n’ont aucune action directe d’un point de vue technique, ils sont là pour dire aux gens « attention je compte ». Au début certaines personnes n’ont pas pris cette installation au sérieux. Ils ont vu leur facture de chauffage augmenter pendant que celle de leur voisin baissait et se sont empressés d’y réfléchir, c’est là qu’est « l’effet RFC ».
Le choix des appareils
« Le choix de la copropriété s’est porté sur des RFC, relate Benjamin Doris, responsable technique chez ista. Le compteur d’énergie thermique (CET) n’a pas été retenu pour des raisons de coût de travaux par logement car il fallait modifier l’installation des canalisations à l’intérieur des logements. Nous avons donc posé des RFC interrogeables à distance sur l’ensemble des radiateurs à l’exception de quelques sèche-serviettes biénergie. Nous avons également proposé à chaque résident la pose de robinets thermostatiques pour permettre à chacun de réguler la température dans chaque pièce et ainsi maîtriser sa consommation ». Sensibilisés sur le rôle de ces appareils, fabriqués et installés par l’entreprise ista, les occupants ont été particulièrement informés des éco gestes à adopter : fermer les robinets de radiateurs avant d’ouvrir les fenêtres, aérer par durées de 10/15 minutes, purger les radiateurs, fermer les volets pendant la nuit, baisser la température en cas d’absence prolongée, etc. « Une analyse par logement sur six années (2012 à 2017) a été communiquée à tous les copropriétaires sous forme de tableau. Chacun peut connaître son propre niveau de consommation sans voir celui des autres résidents afin de garder confidentielles ces données », précise Pascal Mazzega, dirigeant du cabinet Lecomte, gestionnaire de l’immeuble Château de Maurepas. « Avec les répartiteurs, souligne Benjamin Doris, on peut procéder à la télérelève des indices 1 fois par an. Il nous suffit ensuite de faire la répartition par appartement. On estime que sur le global, 70 % sont à répartir sur les comptes individuels et 30 % sont imputés aux charges communes, c’est le calcul imposé par la loi de Transition énergétique ». Dix ans plus tard, en 2021, certains RFC doivent être remplacés car ils sont garantis 10 ans, ce qui est fait par ista, au fur et à mesure sans surcoût pour le copropriétaire. Le remplacement et la pose sont gratuits et les appareils défectueux recyclés.
Quels résultats aujourd’hui ?
« Les charges de chauffage correspondent environ à 25 % de l’ensemble des charges d’un appartement en copropriété. Lorsque les frais de chauffage sont répartis selon la consommation réelle, l’immeuble réalise 15 % en moyenne et jusqu’à 25 % d’économies selon l’Ademe », déclare Pierre Ouvriez, directeur de ista Grand Ouest. Après l’installation de compteurs individuels et quelques travaux induits, le conseil syndical constate en 2018, une baisse de 35 % de la consommation de gaz. Ce qui nous a permis d’obtenir une baisse de 21 % de la cible du contrat de chauffage de la part du fournisseur d’énergie. « Notre facture de chauffage, rappelle Gilles Quignon, est inférieure à celle de 2009 malgré l’augmentation du prix du gaz ce qui montre bien que notre consommation a baissé. Le pourcentage du chauffage est descendu de 25 % du budget annuel à 16 %. Nous sommes raccordés au réseau de chaleur qui passe à 150 m de notre copropriété depuis le 28 janvier 2021. Notre facture énergétique va encore diminuer car sur ce type de chauffage, les taxes sont moins élevées et les augmentations moins fréquentes ». Pour que les économies perdurent dans le temps, il faut faire une piqûre de rappel aux habitants, sans cette démarche les gens oublient les RFC. « Depuis 2011, j’ai toujours souhaité rappeler aux résidents la présence de leur RFC, s’amuse Gilles Quignon, l’existence de ces appareils. Tous les ans, je distribue deux notes dans les boîtes à lettres, une première à l’occasion de la mise en fonctionnement du chauffage fin septembre/début octobre et une deuxième en janvier ou février selon les annonces de météo France. En même temps j’indique aux gens les « bons gestes » recommandés par l’Ademe et les économies réalisées grâce au comportement des uns et des autres. Un rappel régulier de ces compteurs par le syndic lors de l’envoi des charges me semblerait utile ». Cette magnifique opération énergétique n’aurait pas pu arriver à terme grâce à une cohésion d’équipe entre le maître d’œuvre, le syndic, le prestataire de services et surtout le groupe de travail d’une dizaine de copropriétaires occupants et bailleurs autour et avec Gilles Quignon, comme quoi l’union fait la force !
Nathalie Vaultrin
L’Armec, association rennaise pour la maîtrise de l’énergie dans les copropriétés privées
C’est une association de copropriétaires éco responsables engagés pour la maîtrise de l’énergie dans les copropriétés résidentielles. Elle agit dans l’intérêt général pour favoriser la mise en œuvre pragmatique des politiques publiques en faveur de la maîtrise de l’énergie. Association de propositions, elle est un partenaire reconnu auprès des acteurs publics, des élus, des collectivités territoriales et des institutionnels en charge de la transition énergétique. Elle assiste les syndicats de copropriétaires. Elle a su construire des relations de confiance avec les syndics. Elle constitue le facilitateur privilégié des copropriétés résidentielles par sa pleine connaissance des difficultés qui bloquent les projets de rénovation énergétique de l’habitat collectif. Elle dynamise ainsi le processus et contribue à lever les freins. Plus d’informations sur : http://armeco.org