François Pélegrin n’en est pas à ses débuts, son expérience de la copropriété et la façon particulière qu’il a de penser la rénovation énergétique ont fait de lui un architecte hors normes, plébiscité aujourd’hui par le jury professionnel des Grands Prix de la copropriété. Il a ainsi remporté le Grand Prix Travaux, entretien et maintenance édition 2023.
François Pélegrin d’Architecture Pélegrin s’est lancé dans le monde de la copropriété après avoir remporté un appel à idées REHA (comme réhabilitation), organisé par le PUCA. « Nous avons été lauréats il y a 10 ans pour la rénovation ambitieuse d’une petite copropriété parisienne. Nous avons proposé une surélévation pour payer les travaux de rénovation, ce qui à l’époque était très novateur ». Le projet a été très médiatisé et a fait connaître l’architecte et son équipe pour son ambition.
Faire bouger les lignes
C’est après cette expérience que le cabinet d’architecture s’est spécialisé dans des projets de rénovation énergétique en réfléchissant différemment, en oubliant la rénovation énergétique pour se tourner vers la requalification architecturale. « Nous n’habitons pas dans des kilowattheures, s’amuse François Pélegrin, nous habitons dans un bâtiment et nous voulons tous plus de confort et de bien-être tout en souhaitant que notre bien conserve voir augmente sa valeur patrimoniale ». En pensant de la sorte, l’architecte assure que chaque logement ainsi rénové pour atteindre l’étiquette B prend une valeur de 1 000 €/m2. Il souhaite réellement redonner à chaque habitant d’un immeuble rénové la fierté d’y habiter. « Aujourd’hui, nous savons dans notre métier, ajoute François Pélegrin, que l’économie d’énergie ne fait pas tout. D’ailleurs, la gouvernance de Ma Prime Rénov’est passée de l’Ademe à l’Anah, c’est un signe fort ».
Atteindre la neutralité carbone
Pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, François Pélegrin en est certain, il faut agir vite sur l’existant avec une stabilité des aides et un discours clair pour convaincre les copropriétaires les plus réticents. « Il faut combattre l’aberration que les copropriétés qui ont décidé de prendre le chemin de la rénovation énergétique il y a déjà plusieurs années, soient aujourd’hui pénalisées ne bénéficiant pas de Ma Prime Rénov’avec les travaux restants à faire, n’atteignant pas les fameux 35 %. Les bons élèves sont ainsi punis, c’est un comble… Effectivement, certains gestes sont indissociables comme l’isolation thermique par l’extérieur avec le changement de fenêtres et la ventilation. Ce trio, pour être efficace, doit se penser ensemble, en même temps… Une requalification globale a du sens et revient moins chère grâce aux aides et aux économies d’échelle mutualisées pour différents travaux ».
Le confort été comme hiver
« Mon combat actuel, c’est le confort toute saison et la pérennité de l’existant, assure François Pélegrin. Lorsque nous traitons un immeuble en requalification globale, nous réfléchissons d’abord à ce que l’on peut faire pour le protéger contre les agressions climatiques de plus en plus intenses et fréquentes car il n’a jamais été conçu pour y faire face. L’ITE, quand elle est possible, permet d’avoir une façade moins exposée aux rayons du soleil, il est important de travailler également sur les vitrages et les stores pour le confort d’été. L’approche architecturale permet d’apporter à l’immeuble des qualités (jamais visées à sa construction) et de hautes performances environnementales et thermiques : santé, sécurité, qualité de l’air, gestion des eaux pluviales, énergie solaire et un confort de vie toute saison. Requalifier un immeuble, c’est lui redonner des qualités en embarquant la dimension environnementale, esthétique et pérenne ».
Changer de braquet
« 80 % de la ville de 2050 est déjà là et ce n’est au rythme actuel que nous atteindrons la neutralité carbone à cette date. C’est pourquoi, avec le Club de l’amélioration de l’Habitat et l’UNSFA, je milite pour changer de braquet : l’intervention à la parcelle est trop lente et prive des bénéfices de la mutualisation. Il faut, sous la houlette de maires ambitieux, penser à l’échelle plus large du quartier, ou de l’îlot dans une démarche collective en mettant l’habitant au centre du projet, le rendant alors actif et responsable. C’est le sens de l’action OPERAEU : opérations de requalification architecturale, environnementale, urbaine que nous comptons développer avec les maires les plus dynamiques. On atteindra ainsi non seulement la massification attendue pour réduire les consommations d’énergie, grâce aux économies d’échelle (environ -15 à -20 % sur le prix du m2 rénové) mais on pourra aussi réenchanter nos cœurs de ville en inventant la ville de demain à partir de l’existant en embarquant les sujets fondamentaux : biodiversité, ilot de fraicheur, accessibilité, intergénérationnel, eau, production de logements de qualité dans le respect du ZAN, etc. Ce n’est plus l’approche techniciste qui doit présider mais une approche sensible, humaniste. L’enjeu n’est plus la « rénovation thermique » mais la « requalification architecturale ». Les architectes, urbanistes, paysagistes ont un rôle majeur à jouer pour réussir le chantier du siècle qu’ils mèneront avec leurs partenaires ingénieurs (thermique, acoustique, structure…). L’enseignement de l’architecture et la formation continue doivent consolider les savoirs. C’est pour ces engagements que je suis fier d’avoir remporté le Grand Prix travaux et maintenance. Cette distinction m’honore et m’incite à continuer dans cette voix ».