Pour lutter contre la dégradation des copropriétés qui n’arrivent plus à maintenir leur équilibre financier, l’État a mis en place un « plan initiatives copropriétés ».
Depuis plus de 40 ans, la dégradation des copropriétés fait l’objet de nombreuses interventions publiques locales et nationales. Thématique complexe, elle mêle les questions juridiques, urbaines, d’ingénierie, de bâti, mais aussi les questions sociales. Ce phénomène, qui s’amplifie ces dernières années, impliquait une approche nouvelle et globale pour tenter d’endiguer cette évolution. Pour répondre à ces problématiques, un plan dit « Initiative copropriétés » est initié en octobre 2018 par Julien Denormandie, ministre de la ville et du logement. Ce plan piloté par l’Anah mobilise les compétences techniques et les moyens financiers de nombreux partenaires autour des élus, avec un seul mot d’ordre : proposer des modes d’intervention à la carte aux copropriétés concernées. La stratégie retenue comporte trois axes bien distincts : un axe prévention pour accompagner les copropriétés fragiles afin d’éviter leur dégradation, un axe redressement pour sauvegarder les copropriétés dégradées et un axe transformation pour enclencher un processus de démolition/reconstruction des copropriétés trop dégradées.
Comment et sur quelles bases ?
Pour pouvoir intervenir dans ces copropriétés, il faut d’abord pouvoir les identifier. Ces immeubles privés sont habités par des propriétaires et/ou des locataires, le plus souvent en situation précaire. Le but de cette démarche n’est pas uniquement de restaurer un bâti détérioré, il vise également à améliorer les conditions et le cadre de vie des habitants de ces immeubles et de ces quartiers. Parmi de nombreux exemples possibles, trois cas de figure représentent ce que l’on peut définir comme les situations les plus couramment constatées.
Le premier cas concerne les propriétés financièrement fragiles, mais qui ne sont pas encore en déséquilibre. Le deuxième cas concerne des copropriétés qui apparaissent correctement gérées mais qui se retrouvent financièrement « étranglées », et sont déjà entrées dans la spirale infernale de l’augmentation régulière des charges, sans avoir pour autant les capacités à améliorer le bâti. Le programme vise alors à « accélérer leur redressement ». Le troisième cas est plus complexe, il concerne les copropriétés tellement dégradées que l’on peut se poser la question d’une démolition/reconstruction. Le processus proposé vise alors à « accélérer leur transformation ».
Mettre en place des actions de prévention
Pour les copropriétés qui présentent des fragilités avérées, il est nécessaire de mettre en place des actions de prévention, afin de leur éviter d’entrer dans d’éventuels processus de dégradation. Par exemple, ce peut être le choix, après diagnostic, de financer la rénovation énergétique de logements dans des copropriétés en situation de fragilité. Une action qui améliore les conditions de vie des habitants, diminue les charges et valorise le patrimoine. Il est de fait primordial d’agir dès les premiers signes de fragilité : une mauvaise étiquette énergétique du fait de l’ancienneté de l’immeuble et un taux important d’impayés des charges de chauffage. Cette démarche préventive permet d’intervenir, avant que le cercle infernal ne se mette en place : surendettement de la copropriété et dégradation par absence totale d’entretien et de travaux. Lorsqu’une dégradation, par manque d’entretien et de travaux, est constatée, une action plus lourde doit être engagée, c’est le redressement de la copropriété.
Accélérer le redressement des copropriétés
Tout commence par un diagnostic approfondi de la copropriété. Lorsque les conclusions amènent à la faisabilité d’un redressement, un accord est signé dans le cadre d’une convention qui nécessite un investissement public important. Pour y répondre, la démarche « initiative copropriétés » a mis en place un partenariat avec la CDC, la banque des territoires (Voir encadré), ce partenariat s’inscrivant en complémentarité avec des acteurs locaux. Il faut ensuite conforter, soutenir et impliquer le syndic dans le traitement de la dette, dans la maîtrise des charges et le maintien de conditions minimales d’habitabilité. Si besoin, le plan « Initiative Copropriétés » propose également la mise en place de syndics spécialisés dans l’accompagnement de copropriétés en difficulté. Il rend également possible le financement des surcoûts de gestion, par la généralisation et la simplification de l’aide à la gestion, un dispositif mis en place par l’Anah. Il est enfin important de consolider un partenariat avec le ou les administrateurs judiciaires dédiés à l’opération de redressement. Une fois la partie administrative et juridique établie, on peut alors imaginer la phase « travaux ». Avant cela, l’Anah peut aussi financer dans certains cas de figure, une partie voire totalité des interventions, visant à mettre en sécurité les logements et à assurer à leurs occupants des conditions minimales d’habitabilité. Le lancement de la phase travaux nécessite en préalable la consolidation du plan de financement, puis le vote en assemblée générale, sans oublier, point crucial dans une copropriété dégradée, l’approche individualisée de la situation financière, familiale et administrative de chaque copropriétaire. Enfin, le programme de rénovation prévu doit permettre, avec les différentes aides obtenues, de rendre acceptables « les restes à charge » pour les copropriétaires. Les travaux terminés, cela ne signifie pas pour autant que la copropriété soit durablement sortie d’affaire, elle peut rester relativement fragile. Pour ne pas retrouver les causes qui ont été source de problèmes, il peut être nécessaire, en fonction de chaque situation, de développer des dispositifs de suivi permettant de soutenir la copropriété en phase de convalescence.
Accélérer la transformation des copropriétés
Ce programme s’applique lorsque l’on arrive à la conclusion que la copropriété n’est pas « économiquement » restaurable. On passe alors à une échelle qui dépasse la ou les copropriétés concernées, ce type d’intervention s’inscrivant le plus souvent dans un projet urbain plus global. Ces opérations, lourdes et complexes, nécessitent des investissements publics importants. Dans ce contexte, le plan « Initiatives Copropriétés » propose plusieurs solutions de financement des déficits d’opération, selon les projets et les besoins des collectivités. Ces financements « à la carte » permettent aux collectivités locales, de réaliser des projets visant à une transformation en profondeur d’un quartier. Il faut ensuite retenir un ou plusieurs opérateurs d’acquisition et de portage massif des logements. En effet, dans le cadre d’un tel projet, les collectivités mobilisent des opérateurs, en vue d’acquérir les logements, tout en accompagnant les occupants et le fonctionnement courant de la copropriété : relogement, travaux d’urgence, démolition et reconstruction. En l’absence d’opérateur capable de porter le projet, Initiative Copropriétés propose un partenariat avec CDC Habitat pour permettre la transformation des copropriétés concernées.
Un an plus tard, quel bilan ?
Au début de l’année 2020, un peu plus d’un an après le lancement de la démarche, un premier bilan a permis d’identifier 684 copropriétés en difficulté regroupant près de 64 000 logements dans 26 territoires, jugées prioritaires, dont 14 sites de 23 000 logements faisant l’objet d’un suivi national. En termes d’interventions, le bilan fait état de travaux financés dans plus de 20 000 logements répartis sur 324 copropriétés, pour un apport total de 61 millions d’euros. Ces interventions de l’Anah se font par différents biais : le financement des travaux d’urgence pour la mise en sécurité, dont le financement peut être porté à 100 %, la bonification par l’Anah des aides apportées par les collectivités, l’aide à la gestion urbaine de proximité du parc privé, l’aide à la gestion des copropriétés… Pour 2020, l’objectif est d’atteindre 34 000 logements rénovés dans des copropriétés fragiles ou dégradées. La société de portage créée par CDC Habitat, pour les opérations les plus lourdes de redressement ou de recyclage complet de copropriétés dégradées, a signé ou est en cours de signature de neuf conventions d’urgence en Ile-de-France, portant sur le rachat de 637 logements pour 35 millions d’euros. CDC Habitat a également signé une convention d’assistance à maîtrise d’ouvrage sur plusieurs copropriétés de Grigny 2 dans l’Essonne. Enfin, Action logement prévoit d’affecter, dans le cadre de son plan d’investissement volontaire signé en avril 2019, 65 millions d’euros de subventions (complétées par des prêts) pour un potentiel de 4 500 logements aidés, auxquels il faut ajouter 145 millions d’euros d’apport de fonds propres et de subventions, afin de permettre aux filiales du groupe d’investir dans des copropriétés classées dégradées ou très dégradées, soit un potentiel supplémentaire de 2 600 logements. Au total, l’investissement d’Action logement devrait donc atteindre 210 millions d’euros sur la durée du plan.