La loi dite Habitat dégradé, du 9 avril 2024 a déjà fait l’objet de divers commentaires et études. Nous allons nous intéresser ici à ses principaux apports en matière de copropriété.
Notifications et mises en demeure par voie dématérialisée
Les notifications et mises en demeure par voie électronique ne nécessitent plus l’accord exprès des copropriétaires. Ceux qui veulent les recevoir par voie postale doivent désormais en faire la demande et en conserver la preuve. La voie électronique va-t-elle se généraliser comme le veut le législateur ? Les Syndics y sont favorables. D’abord parce que la plupart des contentieux de contestation des Assemblées portent sur le non-respect du délai de 21 jours entre la 1re présentation de la convocation et la tenue de l’assemblée, la faute à une distribution postale inadaptée et dont la responsabilité n’est pas engagée en cas de délai anormalement long de distribution. Ensuite, cela évitera à tous d’aller faire la queue dans les bureaux de Poste et de supporter 10 % d’augmentation annuelle du prix du timbre. L’important est que les copropriétaires gardent le choix de leur mode de communication et d’échange. Nous espérons que ce texte allégera la charge administrative des convocations et procès-verbaux des assemblées générales, à travers des correspondances aux formats plus modernes dans les copropriétés. Une chose est certaine : les saisines du juge (par les coupeurs de cheveux en quatre !) risquent de se poursuivre sur des problématiques liées notamment à la question de la preuve.
Vers un nouveau cas de mise en œuvre de la responsabilité du syndic
Le législateur élargit les conditions d’ouverture pouvant justifier la désignation du mandataire ad hoc. Il intègre notamment le cas de l’absence de vote de l’assemblée générale sur l’approbation des comptes depuis au moins 2 ans, ce qui est un véritable signe précurseur d’une fragilité. Le président du tribunal judiciaire pourra faire supporter au syndic tout ou partie des frais de l’administration provisoire déclenchée qui n’a pas été précédée d’une procédure de prévention. Le risque de cette « présomption de responsabilité » est-il de voir les syndics refuser de prendre en charge les copropriétés fragilisées par des impayés ponctuels ? Là où la plupart du temps le syndic réussissait à recouvrer les impayés à l’amiable sans alourdir les charges par des frais de procédure judiciaire, en trouvant des solutions avec les débiteurs, et en renforçant la trésorerie grâce à l’avance spéciale prévue par la loi, il devra le faire désormais après avoir engagé plusieurs milliers d’euros de la copropriété en frais de saisine du juge et si besoin du mandataire ad hoc. Ce nouveau texte est dénué de sens pour les syndics qui avaient réclamé une refonte technique du dispositif de saisine pour le rendre efficace. Mais comme souvent, les pouvoir publics écrivent les textes sans avoir pris attache auparavant avec les professionnels qui pratiquent le terrain. Du coup, ce sont 75 % des copropriétés qui sont concernées, avec un risque d’encombrement des Tribunaux et une facture à 1,5 milliards d’euros à venir ?
La « super-saisie conservatoire »
Le syndic peut opérer une saisie conservatoire sans saisine préalable du juge pour les créances visées à l’article 19-2 al 1 de la loi de 1965 c’est-à-dire les provisions pour charges dues au titre du budget prévisionnel. L’objectif est d’inciter le débiteur à régler sa dette en l’empêchant de disposer de ses biens.
Une bonne mesure à notre sens pour que les débiteurs de mauvaise foi ne pénalisent plus la collectivité.
D’autres mesures
– Instauration d’un « syndic d’intérêt collectif ». Ce nouveau statut pose question parmi les professionnels du secteur (notamment en matière de compétences et de garanties).
– Obligation de réaliser un diagnostic structurel décennal pour les immeubles d’habitat collectif de plus de 10 ans situés dans des secteurs d’habitat dégradé définis par la commune (nous avions demandé qu’il soit applicable à tous les immeubles bâtis… encore une demi-mesure !)
Nous pouvons regretter que les objectifs de cette loi n’aient pas été atteints et qu’elle ait été adoptée avant la publication des conclusions de la commission d’enquête sur la paupérisation des copropriétés.