Deux problèmes majeurs, passés sous silence, empêtrent la rénovation énergétique des copropriétés. Ils sont relatifs aux gestionnaires eux-mêmes. Il est urgent de ne pas se voiler la face et d’éclairer les pouvoirs publics sur ces obstacles. Faire accroire que le seul frein tient aux copropriétaires ne serait pas honnête. L’engagement des gestionnaires, sur le terrain, est retenu par une peur et atténué par une faiblesse. La faiblesse, c’est celle de l’insuffisance de connaissances sur la transition énergétique. Malgré l’offre de formation continue des organisations professionnelles, malgré les incitations à se former, le niveau des compétences est très inégal et une partie significative des gestionnaires n’a pas la maîtrise nécessaire des obligations légales, des outils existants, des aides disponibles, des acteurs pouvant intervenir dans la chaîne de valeur et de la façon de les sélectionner. Il faut se demander pourquoi l’appétence à se former n’est pas plus forte chez les gestionnaires, voire l’appétence des dirigeants de cabinet à proposer à leurs collaborateurs les formations pertinentes. Les assistantes et assistants (la fonction est encore très féminisée), et les comptables mandants ont également un retard culturel à combler sur le sujet, même si des gestionnaires on attend légitimement qu’ils soient les plus avisés.
Les messages collectifs sur la transition environnementale, parfois venus d’en haut de la profession, sont porteurs de beaucoup de nuances et d’objections. Le calendrier est montré du doigt, le manque de fiabilité des diagnostics, le nombre trop restreint d’entreprises RGE, l’incapacité des copropriétaires à financer les travaux… La liste est longue et les récriminations ne sont pas infondées. Le problème est que le message est brouillé : en bout de chaîne les collaborateurs opérationnels entendent pour beaucoup d’entre eux que l’exercice est impossible, que les textes bougeront, qu’il ne faut rien précipiter. Déjà largement occupés par leurs tâches courantes ils ne sont pas enclins à ouvrir un dossier qui ne va pas manquer de soulever des oppositions violentes. Sans compter qu’ils rencontrent une peine inédite pour recouvrer les charges, dont les impayés dérivent.
Déclencher le passage à l’acte
Sans à la fois une pleine conscience des enjeux -valoriser les immeubles, accroître le confort de vie et réduire les factures-, sans les compétences tous azimuts nécessaires, les gestionnaires ne passeront pas à l’acte. Que faire ? Intégrer aux 42 heures de formation continue rendues obligatoires par la loi ALUR au moins 6 heures dédiées à la transition écologique du patrimoine résidentiel. Il serait au demeurant plus réaliste de les ajouter à l’enveloppe actuelle et de passer à 48 heures obligatoires : les autres matières ne motivent pas moins de formation et déshabiller Pierre pour habiller Paul n’est pas la solution.
Les gestionnaires sont en outre tétanisés par une peur. La peur de ne pas voir leur contrat renouvelé s’ils embarquent les copropriétaires dans un grand projet inéluctablement controversé, qui va placer le syndic au cœur de la tourmente. La peur de dégrader l’ambiance générale et le climat de confiance propice à la prorogation du mandat. Cette crainte est d’autant plus fondée que la plupart des mandats donnés pour une année : l’exercice de les défendre contre la concurrence revient à une fréquence lancinante. Il faut en finir avec cette suspicion de principe et créer pour les gestionnaires les conditions de la sérénité. La réglementation devrait à cet égard être modifiée et rendre obligatoire des mandats de syndic d’au minimum 3 ans et d’au maximum 5 ans. En contrepartie, des clauses de sortie devraient être introduites, renforcées par rapport à celles qui existent, en cas de manquement professionnel. Mener à bien un projet de rénovation environnementale nécessite bien entre 3 et 5 ans. Il vaudrait d’ailleurs mieux donner au syndic le temps de convaincre largement plutôt que d’abaisser encore les majorités de vote comme le préconisait Olivier Klein avant de quitter le ministère. Former les gestionnaires et leur accorder la confiance, voilà les conditions de la mutation écologique des copropriétés.