Le marché de l’immobilier souffre.
La construction et les ventes de logements neufs s’effondrent, comme les transactions résidentielles de logements existants. En cause, l’inflation, qui a fait augmenter les taux d’intérêt et enchéri le coût du crédit, mais aussi les craintes liées aux conflits mondiaux à nos portes et le climat politique intérieur dans notre pays après la dissolution de l’Assemblée nationale et les déséquilibres qui s’en sont suivis. On entend souvent qu’en revanche la vie du parc immobilier ne serait pas affectée par les circonstances. Les administrateurs de biens soutiennent ainsi volontiers que leur activité échappe pour l’essentiel aux difficultés du moment. À y regarder de près, ce n’est malheureusement pas le cas… L’univers de la copropriété traverse une période peu propice et les conséquences pourraient en être graves et durables.
Charges et loyers impayés
Ce sont d’abord bien sûr les difficultés économiques résultant des dérèglements de l’inflation qui pénalisent le fonctionnement des immeubles en copropriété. Même si l’observatoire public des impayés de loyers et de charges, créé par Emmanuelle Wargon au moment de la pandémie, n’a pas rendu de diagnostic depuis longtemps – Olivier Klein a été le dernier ministre a en réunir les membres-, on sait que les syndics peinent à recouvrer les sommes appelées auprès des copropriétaires. Les impayés locatifs eux-mêmes ont des conséquences paralysantes pour les copropriétés : dans les grandes villes et nombre de villes moyennes, les copropriétaires bailleurs sont majoritaires, et les défauts de paiement de loyer conduisent les plus fragiles à être par ricochet inaptes à acquitter leurs charges, qui dépendent du règlement de la fraction imputable au locataire. En somme, occupants ou investisseurs, les copropriétaires ne sont pas déconnectés du réel économique et vivent à son rythme, aujourd’hui ralenti.
Trop de changements engendrent la frilodité dans les investissements
Le second impact négatif renvoie à la situation politique illisible de la France. On sait qu’elle compromet la visibilité des ménages tentés d’acheter un logement pour l’habiter ou pour investir : comment s’endetterait-on pour 20 ou 25 ans l’âme légère quand on ignore le devenir à court terme de la fiscalité ou du régime des aides ? Ces incertitudes ne portent pas moins préjudice à la marche des copropriétés : les copropriétaires sont réticents à voter des programmes de travaux significatifs, notamment de transition environnementale, et à s’engager à titre individuel pour des dizaines de milliers d’euros, alors que les conditions de MaPrimeRénov ou des certificats d’économie d’énergie ne cessent de changer et qu’un nouveau gouvernement pourrait défaire ce que le précédent a fait. Beaucoup pensent même que les obligations de travaux et les règles du jeu de la loi Climat résilience pourraient être modifiées sinon remises en cause. On comprend que des copropriétaires hésitent à se projeter à dix ans, comme le plan pluriannuel le leur demande, alors que leur Président de la République met des mois à choisir le pilote et le cap de la politique de leur pays. Au nom de quoi attendrait-on d’eux qu’ils soient plus royalistes que le roi ?
Difficultés à lever les freins
La conduite hésitante de la France entraîne un large scepticisme des syndicats de copropriétaires. Les syndics n’ont jamais eu à lever de freins aussi puissants ni à déployer autant d’énergie pour convaincre les copropriétaires… et le plus souvent ne pas y parvenir dans le contexte politique du moment. Les effets de cette situation se résorberont-ils rapidement ? Non, ils vont laisser des traces et la confiance dans l’action publique mettra de longs mois, sinon des années, à se reconstruire. La copropriété accusait déjà un retard regrettable par rapport aux objectifs d’évolution technique des immeubles collectifs : il va se creuser. Pour redresser la situation, il faudra une sincérité de la parole publique et une vigueur des mesures d’accompagnement sans précédent. Que nos décideurs du gouvernement et du parlement en aient conscience : l’inconséquence politique aura causé des dégâts considérables dans le monde de la copropriété.