Les servitudes du métier de syndic de copropriété sont des sujets de doléance permanents. Les organisations patronales, l’association de référence des gestionnaires, les enseignes leaders, les professionnels à titre individuel mettent souvent, très souvent en avant les difficultés de gérer les immeubles collectifs et l’inventaire des plaintes est long. On ne peut nier que ce métier soit difficile, mais il peut aussi revendiquer des atouts fondamentaux : son utilité sociale est claire ; la responsabilité dont sont investis les gestionnaires est totale, du conseil à la décision jusqu’à sa mise en œuvre, avec l’autonomie qui y est associée ; la compétence polymorphe qui y est nécessaire constitue un rempart contre la monotonie et la lassitude. Les gestionnaires sont bien rétribués entre tous les métiers de service à l’immobilier, il n’y aucune raison de le cacher.
Améliorer l’ordinaire
Un point fait régulièrement l’objet de critiques, dans les grandes villes, Paris en tête, mais également dans des villes de moindre importance : les assemblées générales tardives, qui empiètent sur la vie privée des syndics et les mènent à rentrer chez eux à des heures indues. Elles favorisent en outre les tensions et les débats passionnés : les copropriétaires sont appelés après une journée de travail à prendre des décisions, pour certaines à forts enjeux, alors qu’ils n’ont plus le discernement nécessaire et qu’ils s’exaspèrent facilement. Pour beaucoup dans les villes les plus importantes, le trajet de retour a ajouté à la fatigue de la journée. Et puis une réalité échappe aux copropriétaires, qui participent à la réunion de l’année pour eux, quand le gestionnaire dont le portefeuille compte cinquante ou soixante immeubles en pilote autant en une année ! On sait que la situation des villes moyennes, voire des communes rurales, est toute différente : les assemblées générales s’y tiennent à 17h pour se terminer à 18 h 30 ou 19h au plus tard. Là, les copropriétaires entendent qu’une fois par an pour la plupart d’entre eux, peut-être deux fois par an pour ceux qui sont aussi copropriétaires bailleurs dans un autre immeuble et à la condition qu’ils n’aient pas délégué ce pouvoir à un administrateur de biens gestionnaire de leur bien d’investissement, cet événement important les conduise à quitter leur poste un peu plus tôt. Dans la capitale et les autres villes comparables, on ne commence jamais avant 18 h 30, sinon 19 h 30, pour terminer à 23 h 30 ou minuit. Le décalage avec les villes moyennes est accentué en outre par les temps de transports que les gestionnaires doivent supporter pour rentrer chez eux : le coût du logement est tel qu’ils habitent en général la banlieue de la ville où ils travaillent. S’ajoute, pour les femmes plus encore, le risque d’insécurité associé aux transports en commun en fin de soirée et la nuit. Il est possible de convoquer et de tenir des assemblées à 17h, ou le matin de 9h à 10 h 30 ou 11h. Certains syndics professionnels y parviennent déjà, sans absentéisme majoré, même à Paris où les habitudes ont la vie dure, où les certitudes sont bien ancrées, et où l’on est certain de détenir la vérité par rapport aux régions.
Quel est le remède? Comment changer cette situation ?
Il y faut deux conditions. Il est d’abord nécessaire qu’une cohésion de la profession se soude sur ce sujet. On va même ici se dire la vérité : la question des heures supplémentaires est au cœur de la bisbille, certains syndics des grandes villes considérant que cette ligne n’est pas négligeable pour l’équilibre économique du cabinet et qu’elle leur permet aussi de mieux rétribuer les gestionnaires. Quoi que leur coûte cette servitude au quotidien, certains collaborateurs apprécient néanmoins de voir leurs émoluments augmenter. C’est un élan collectif qui doit s’organiser. Il est ensuite impératif d’instaurer une didactique des copropriétaires de nos grandes villes, en les sensibilisant au problème, celui des gestionnaires, le leur aussi dès lors que les heures tardives favorisent les débats houleux et les prolongations stériles. Il faut enfin faire preuve d’autorité sur les copropriétaires : entendez que les syndics de copropriété doivent incliner leurs clients à les comprendre et à les respecter. Sans cette évolution, on trouvera de moins en moins de femmes et d’hommes volontaires pour ce métier, en particulier au cœur de nos métropoles. Même les écoles spécialisées échoueront à convertir les jeunes et les moins jeunes en reconversion, qui refuseront une pénibilité perçue comme insupportable et préféreront d’autres activités dans le secteur. Un modus vivendi pour sauvegarder une profession indispensable à la vie dans nos immeubles et permettre sa relève et son renouvellement.