Par Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du Management des Services Immobiliers
La loi Alur avait posé le principe d’un plafonnement des honoraires d’établissement de l’état daté perçus par les syndics professionnels. Ni Cécile Duflot, ni Sylvia Pinel, sa successeure immédiate au ministère du logement, ni Emmanuelle Cosse, n’avaient finalement pris le décret d’application de la disposition législative. De fait, elle n’était pas en vigueur. Julien Denormandie a décidé, de façon orthodoxe, de préparer le texte réglementaire découlant de la loi et d’imposer une limite aux prix pratiqués pour facturer les états datés aux copropriétaires vendeurs de leur lot. À l’heure où le lecteur prend connaissance de la présente tribune, le décret sera en passe d’être publié, s’il ne l’est déjà.
Syndics et pouvoirs publics
Retour sur un regrettable épisode des relations entre les syndics et les pouvoirs publics. Si la loi du 24 mars 2014 a voulu fixer une limite aux honoraires en question, c’est que des abus avaient été enregistrés. Comment qualifier un excès dès lors que les honoraires sont libres, pour les forfaits de gestion comme pour les actes hors forfait ? Disons que cela ressortit au bon sens et qu’une prestation que les professionnels de l’administration de biens font payer du simple au triple attire l’attention. À cet égard, deux observations. Est-il normal qu’avertie par la loi Alur elle-même de l’inquiétude des décideurs publics quant à l’inflation des prix des états datés la communauté des syndics n’ait pas calmé le jeu ? N’a-t-elle pas manqué de responsabilité ? N’aurait-elle pas dû s’autodiscipliner plutôt que de conduire le gouvernement à réglementer ? Un pacte de modération, comme le président de la FNAIM et l’auteur de ces lignes l’avaient proposé, n’aurait-il pas dû être conclu toutes affaires cessantes ? Si, sans aucun doute. Une fois encore, ceux qui sont allés trop loin par rapport à la valeur ajoutée du travail effectif auront nui aux plus raisonnables.
Quid de la liberté des syndics ?
Il reste que c’est là la liberté des syndics qui est malmenée et qu’ils sont en quelque sorte infantilisés, mis sous tutelle. Une autre évidence saute aux yeux : les pouvoirs publics considèrent que certains prix sont insupportables dès lors que ramenés à la durée de travail ils semblent inexplicables. On entend ainsi que les plus chers facturent l’équivalent de 5h de travail alors que 2h suffisent pour compléter le document concerné. Le mode de calcul en dit long sur le regard porté sur les syndics : ils sont là pour saisir, enregistrer, restituer les informations, et l’on a bien du mal à penser qu’ils puissent facturer, au-delà du temps passé, l’engagement de leur responsabilité ou encore leur compétence et le choix de recruter des collaborateurs mieux formés et mieux diplômés et mieux rétribués. S’étonne-t-on qu’un avocat de plus grand renom facture cinq fois ou dix fois plus cher qu’un confrère, dont le palmarès ou l’importance du cabinet ou encore le degré de spécialisation ou simplement l’expérience seront moindres ? Le temps passé est la mesure pertinente pour les métiers à faible valeur ajoutée, pas pour les métiers de conseil. Le chemin à parcourir pour que s’impose cette image est long. On pouvait espérer que le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, désormais compétent pour les questions relatives à la copropriété et qui l’était déjà pour parler de la réglementation des professionnels eux-mêmes, serait le bras armé de cette réhabilitation. Ouvert à l’ARC, très soucieux de dénoncer les abus et moins enclin à valoriser les syndics, présidé par un professeur de droit, c’est-à-dire pas par un professionnel immobilier, sera-t-il cet outil salutaire pour les syndics ? L’épreuve de vérité ne tardera pas : il va devoir donner son avis sur le projet de décret de plafonnement et le niveau de prix qu’il comportera. On verra si le CNTGI défend majoritairement l’idée de faire payer le client pour un service essentiel conditionnant la cession d’un bien en copropriété. Et on verra si le gouvernement attache quelque crédit à ce que pense le Conseil…