Les copropriétés françaises accusent un sérieux retard en matière de transition énergétique. Aucun chiffre officiel n’est disponible, mais les syndics ou les architectes, qui vivent au contact des immeubles collectifs, attestent que l’on est loin du compte. La rénovation embarquée, inventée par la loi « Transition énergétique pour la croissance verte » du 17 août 2015 et son décret d’application du 9 mai 2017, n’a pas encore déployé tous ses effets : ces textes font obligation à une copropriété qui engage des travaux lourds, touchant à la couverture, à la façade ou au bâti, d’y associer des travaux améliorant la performance énergétique de l’immeuble.
Les aides, un filon qui s’épuise
Alors d’où vient désormais que l’histoire ne s’accélère pas ? Sans doute encore de l’incertitude des copropriétaires quant à l’amélioration des performances de leur immeuble et des retours sur investissement. Il est indispensable d’aller vers des engagements de performance de la part des entreprises qui interviennent dans les immeubles. Cela ne suffira pas à déclencher l’élan dont a besoin le patrimoine collectif privé. Certes, il y a les aides, mais on sent bien que le filon s’épuise. Entre la chasse aux effets d’aubaine, la légitime volonté de recentrage sur les ménages les plus fragiles et la réduction tendancielle du déficit public par réduction des avantages concédés, il faut se rendre à l’évidence que l’heure est à la responsabilisation de chacun. Le rôle du syndic va être plus que jamais de procéder à l’ingénierie financière nécessaire à la réalisation des travaux. Sans doute même le syndic doit-il assortir toute proposition de vote d’une décision de travaux de rénovation énergétique d’une solution de financement, et il s’en trouve pour souhaiter que ce soit une obligation. Au moment de réformer par ordonnance la loi du 10 juillet 1965, l’idée pourrait faire son chemin. Seulement voilà : l’univers bancaire, lui, ne semble pas intéressé par les copropriétés. Certes, elles le sont par les individus qui les composent. Ils forment la base de leur clientèle urbaine. En revanche, la collectivité des copropriétaires d’un immeuble n’est pas à ce jour une cible de développement et cela ne plus durer. Pour être clair, deux acteurs avaient fini par s’imposer sur ce marché, deux établissements spécialisés dont l’un, le Crédit Foncier, a été dissous dans son actionnaire unique les Caisses d’Épargne, et n’existe donc plus, et l’autre, Domofinance, filiale commune de BNP Paribas et d’EDF, est loin d’avoir la force de frappe pertinente pour satisfaire tous les besoins des 670 000 copropriétés françaises. Son savoir-faire est exemplaire, mais il ne peut assumer ni ne veut le monopole. Au demeurant, ces enseignes couvraient probablement ensemble 10 % des besoins de financement des immeubles collectifs français…
Que font les grands réseaux bancaires ?
Ce marché est techniquement exigeant et ce n’est pas un hasard si à ce jour les banques qui sont intervenues portaient une compétence indéniable et une connaissance intime des problématiques de l’immobilier. En clair, derrière un emprunteur se cachent des dizaines voire des centaines de comptes et de situations. Rien d’insurmontable. La compétence s’acquiert et le Crédit Agricole, premier prêteur immobilier du pays, le Crédit Mutuel ou a fortiori les Caisses d’Épargne, ont une authentique science du logement, doublée d’une sensibilité territoriale précieuse. Le risque les fait-elles reculer ? Il est inexistant ! Dans le pire des cas, un copropriétaire débiteur de ses charges pourrait être mis dans l’obligation de céder son lot et le prêteur serait un créancier prioritaire avec la copropriété. Sans commune mesure avec le risque que prend la banque qui finance une acquisition, même si les établissements aujourd’hui en dehors de ce marché justifient parfois leur absence par un risque diffus difficile à maîtriser. Peut-être le moment est-il venu que le Ministre de la ville et du logement se mêle de ce qui ne le regarde pas et réunisse la place financière de Paris et des régions pour les mobiliser et leur assigner une véritable mission. Il le fera dans l’intérêt de l’État : avec des taux plus bas que jamais les copropriétés seront fondées à acheter des solutions privées plutôt qu’à solliciter des aides publiques, tel l’écoPTZ, forcément complexes à mettre en œuvre et conditionnées à des critères limitatifs. Pour être honnête, il faut aussi lever un embarras réglementaire avec l’Europe. Sans entrer dans des considérations techniques, le prêt collectif renvoie à un taux d’usure qui ne permet pas aux banques de ménager une marge et une rentabilité suffisantes pour bien vivre de cette activité. Bref, le pouvoir politique doit se saisir du sujet sans délai, et ne pas se contenter de déplorer le retard des copropriétés en matière de travaux de transition énergétique. Toutes les campagnes de dynamisation se heurteront à cet écueil et leur efficacité sera anéantie si le nerf de la guerre n’est pas là.