La rénovation environnementale des immeubles en copropriété constitue un enjeu lourd pour le pays. D’abord pour des enjeux de masse : les quelques 600 000 copropriétés françaises, et un peu plus d’immeubles -un certain nombre d’entre elles comportent plusieurs bâtiments-, sont concernées par la décarbonation et doivent redresser leur performance énergétique, pour une majorité d’entre elles. Ce sont ensuite des enjeux de gestion de complexité. Pour les bâtiments publics, propriété de l’État ou des collectivités locales, ou pour le parc HLM, ou encore pour les immeubles appartenant à des investisseurs institutionnels, les processus de décision sont simples et le seul vrai problème renvoie à l’allocation de moyens financiers suffisants. S’agissant des copropriétés, le sujet est double : obtenir une décision collective, par un vote à la majorité simple, et trouver l’argent.
Quel est le frein le plus lourd à lever ?
En réalité, les deux embarras sont liés. Cela n’a pas toujours été le cas : les copropriétaires ont douté de l’intérêt d’engager des travaux de rénovation énergétique et la lutte contre le dérèglement climatique n’a pas toujours été leur priorité. Ils ont désormais un autre degré de conscience, et mesurent les trois avantages liés à cet effort : l’amélioration du confort de vie, la baisse des factures d’énergie quand les prix s’envolent, et la valorisation de leurs patrimoines commun et individuel. Les syndics leur font réaliser un autre bénéfice : combien de chantiers indispensables ont-ils été différés, ravalement de façade, réfection de toiture notamment, que les obligations liées à la transition environnementale vont débloquer et catalyser ! Il reste la question du financement : sans solution pour que les travaux soient digestes pour chaque copropriétaire, la copropriété ne vote pas. En clair, le syndic ne doit pas proposer des travaux et trouver ensuite éventuellement des réponses budgétaires, mais anticiper les objections financières. Or, les voies sont de deux ordres : les aides publiques, MaPrimeRénov Copro et les certificats d’économie d’énergie essentiellement, et les prêts collectifs. Voilà où le bât blesse. À ce jour, seuls deux établissements financiers consentent des prêts souscrits par la copropriété au nom du syndicat dans son ensemble, BPCE, avec le bras armé de la Caisse d’épargne d’Ile-de-France -héritière du savoir-faire historique en la matière du Crédit foncier- et Domofinance, filiale commune d’EDF et de BNP Paribas. Elles ne suffisent pas à répondre à la demande des copropriétés et de leurs mandataires, les syndics. Le précédent ministre du logement, Olivier Klein, avait annoncé vouloir réunir les autres banques pour les mobiliser en sorte qu’elles développent une offre de crédits adaptés à la rénovation énergétique des copropriétés.
On n’a jamais eu de nouvelles de cette action, mais il est flagrant qu’elle n’a pas abouti
La place bancaire continue à se montrer suspicieuse envers les copropriétés, arguant notamment de la complexité de consentir des prêts à une multiplicité d’emprunteurs et de gérer autant de comptes. S’agissant du risque, elles ne l’évoquent pas, mesurant qu’en cas d’impayé la garantie prise sur le lot les protège bien au-delà du préjudice éventuel. Quant à la profondeur du marché, elle ne semble pas leur donner assez envie : entre 300 et 400 milliards d’euros d’encours sur dix ans pourraient aiguiser leur appétit, mais elles ne bougent pas. Que faire ? Sans les banques, la mutation énergétique des copropriétés n’aura pas lieu. Les syndics attestent que lorsqu’un prêt collectif, s’ajoutant aux aides, peut être obtenu, avec des traites de quelques centaines d’euros par trimestre, les copropriétés décident comme un seul homme. Le système bancaire français n’est pas familier de l’univers de la copropriété, qui l’inquiète. Il ne le comprend pas et préfère ne pas y entrer. Il ne réfléchit même pas aux synergies qui pourraient être exploitées : une copropriété, ce sont aussi des copropriétaires à conquérir et qui pourraient se montrer reconnaissants à une banque d’avoir été au rendez-vous de leur histoire patrimoniale. Du nouveau ministre en charge du logement, de son collègue de l’économie, on attend qu’ils fassent entendre raison aux banques. D’ailleurs, avant -comme Bruno Le Maire en a émis l’idée, disruptive par rapport au gouvernement- de revoir le calendrier de la rénovation énergétique fixé par la loi Climat résilience, il serait salutaire de mettre en œuvre tous les leviers. Les banques ont une obligation politique et morale de soutenir cet élan national. Que seraient leurs engagements RSE si elles ne menaient pas cette action cruciale ? De pâles gadgets, comme autant d’anecdotes dans leurs rapports d’activité. Greenwashing pour le dire autrement.