Un bon ami me demandait à quoi ressemblait une assemblée générale. Il réfléchissait à une éventuelle reconversion professionnelle, mais appréhendait grandement de se retrouver dans l’arène au temps des gladiateurs. Je lui ai dit, tu sais, une assemblée générale, c’est un peu comme une salle d’audience, un espace hiérarchisé, à chacun sa place. Il y a les orateurs, les auditeurs, et les interlocuteurs.
Les ORATEURS : le président de séance et le syndic
Assis sur l’estrade comme un promontoire, face au public, ils exposent les faits, rappellent le contexte et les règles du jeu. Ils énoncent un bref discours en guise d’introduction à chaque résolution. Autour d’un ordre du jour, ils déroulent un récit savamment établi selon l’importance des sujets à discuter. Leur façon de s’exprimer et de présenter les choses peuvent déjà orienter les avis et emporter l’adhésion finale. Ils invitent à la réflexion, et savent où ils veulent emmener le groupe. Tel le magistrat dans toute sa sagesse et sa solennité, après délibération des jurés, ils prononcent le résultat des votes, le verdict. Si le président est effacé, le rôle de l’orateur sera dévolu au seul syndic.Tu devras l’assumer.
Les AUDITEURS : les copropriétaires ou leurs mandataires
Assis dans la salle de réunion, souvent à la même place, configuration théâtre, demi-cercle ou autour d’une table. La disposition des lieux dépendra du nombre de convives, et de la dynamique que tu souhaiteras insuffler à la réunion, plus ou moins participative, plus ou moins intime. Les auditeurs forment
le jury. Passivement, ils entendent les arguments et se forgent une opinion. Ils peuvent demander une précision ou formuler une observation. Indécise et suiveuse, c’est bien cette majorité silencieuse que tu devras convaincre en priorité. Ils délibèrent et tranchent par leur vote. Ils sont la loi du nombre. Tu devras les écouter.
Les INTERLOCUTEURS : les membres actifs
Ceux qui te marqueront le plus. Tout du long, ils te questionnent, t’interpellent, te cherchent. Par leurs interventions, vives et répétées, pertinentes ou polémiques, ils alimentent le débat. Dispersés dans la salle, les plus modérés sont souvent assis au premier rang, relativement calmes et disciplinés.
Les plus véhéments sont au fond, cachés, provocateurs, contradicteurs. L’avocat et le procureur. Tu feras face à leurs objections avec habilité. Les plus redoutables t’attaqueront ad personam, ce n’est que pour te déstabiliser. Tu ne devras pas t’en offusquer. Alors tu vois mon ami, ne t’y trompe pas, quand tu seras syndic, rappelle-toi que tout ceci n’est qu’une grande pièce de théâtre, où les rôles sont distribués naturellement. Endosse le tien, si tu échoues, tu seras immédiatement sanctionné, renvoyé à tes classes, sans aucune autre forme de procès. Et tu voudras abandonner. Mais si tu réussis, que tu joues ta partition avec brio, tu profiteras de ton accomplissement et tu récolteras les plus beaux éloges. Tu jouiras de ce moment de grâce. Et tu voudras recommencer.