On l’a crainte au moment de la pandémie et de la paralysie de l’économie du pays et elle n’est pas arrivée : la dérive des impayés de charges de copropriété n’a pas eu lieu. Il faut reconnaître que le « quoi qu’il en coûte » a servi de puissant amortisseur. Tout au plus les syndics ont-ils enregistré des retards de paiement inhabituels.
L’inquiétude avait tout de même incliné le gouvernement à créer un observatoire des impayés de loyers d’habitation et de charges de copropriété, qui continue d’exister. Sa plus récente séance a acté une évolution très significative des charges collectives, parvenues à un niveau alarmant. En cause bien sûr l’inflation du prix des énergies. Certes l’État a mis en place un bouclier tarifaire, mais il agit a posteriori et les syndics, dans l’attente, ont appelé des charges prenant en compte les augmentations enregistrées. Pour les copropriétaires bailleurs, majoritaires dans nos grandes villes, ces charges seront récupérées auprès des locataires, mais là encore avec un décalage qu’il est nécessaire de supporter. Il est à prévoir que des locataires peinent à s’acquitter de leurs charges énergétiques et que la mécanique se grippe, fragilisant les bailleurs et les plaçant en fâcheuse posture pour s’acquitter de leurs charges par la suite. En outre, l’inflation réduit les capacités contributives des ménages copropriétaires, qui paient tout plus cher dans leur vie quotidienne, et qui s’en trouvent appauvris. Enfin, la transition environnementale entraîne des dépenses que bien des ménages auront du mal à absorber. Dores et déjà, le montant cumulé des impayés enregistrés dans la période actuelle, près de 2,5 milliards d’euros, donne le vertige.
Cette fois, plus de « quoi qu’il en coûte ». Voilà qui conduit à deux considérations, la première relative aux compétences des syndics, la seconde à la prévention du risque. Les syndics d’abord sont-ils préparés à des situations d’impayés lourds ? Incontestablement non, à l’exception de ceux qui sont rompus à la gestion des copropriétés en difficulté. La conscience que toute copropriété saine peut basculer fait défaut, et comment le reprocher à la communauté professionnelle ? En temps ordinaire, parce que les ménages priorisent le paiement de ce qui est attaché à leur logement, les rares impayés n’exigent pas de diligences de recouvrement exceptionnelles. Seuls les gestionnaires qui exercent dans des territoires éprouvés aux plans économique et sociologique se confrontaient à des situations extrêmes, exigeant un accompagnement spécifique, grâce à la connaissance intime des dispositifs existants et des aides publics. L’association QualiSR -pour syndic de redressement- a ainsi vu le jour pour créer une certification des syndics désireux d’apprendre à détecter, prévenir et traiter les copropriétés fragiles. À son conseil d’administration, des enseignes de syndic, le monde HLM, des opérateurs de l’ingénierie sociale, l’ARC et les pouvoirs publics par l’intermédiaire de l’ANAH et de l’ANIL. Le ministère de la ville et du logement attend désormais que cette association convainque assez de syndics pour que partout en France les copropriétés relevant d’une attention particulière par leur faiblesse financière trouvent les mandataires dûment formés.
Le péril économique pesant sur les copropriétés conduit aussi à recourir aux solutions assurantielles disponibles pour sécuriser le paiement des charges collectives. Deux types de contrat : une couverture contre les impayés, au catalogue d’un seul courtier -qui l’a inventée-Assurcopro, aujourd’hui dans le giron d’Odéalim, et des protections juridiques étendues au recouvrement judiciaire des charges et aux frais y afférents, fournies par Bessé, Galian, Verlingue ou Verspieren. Trop peu de copropriétés ont aujourd’hui le réflexe de prévoir des déséquilibres budgétaires et de s’en préserver. Les circonstances vont les mener à le faire, sur le conseil des syndics.