Le développement de la 4G, puis de la 5G, impose aux opérateurs de téléphonie de trouver des emplacements en hauteur pour l’installation de leurs antennes. Le toit des immeubles convient dans de nombreux cas de figure, les copropriétés sollicitées doivent pouvoir mesurer les atouts et les inconvénients d’une telle proposition.
L’installation d’antennes relativement rapprochées permet aux opérateurs de téléphonie : Orange, Bouygues, SFR, Free… de couvrir de façon la plus homogène possible l’ensemble du territoire en très haut débit. Cela concerne la 4G, la 5G, voire dans les prochaines années la 6G. Entre 35 000 et 40 000 antennes sont actuellement déployées en métropole et en outremer, sur des toits, sur des pylônes, sur des supports dédiés, en altitude… le but étant de pouvoir assurer une couverture suffisante en fonction de la configuration des lieux. Le besoin de développement de ces antennes pousse les opérateurs à se tourner vers les gestionnaires d’immeubles, qu’il s’agisse de copropriétés ou d’habitat social. Accepter l’implantation d’une antenne sur le toit de son immeuble présente des avantages mais aussi des inconvénients, vrais ou supposés, qui doivent préciser.
Une réglementation stricte, un vote à géométrie variable
En premier lieu, l’installation d’une antenne GSM doit être autorisée par l’ANFR, l’Agence Nationale des Fréquences. Une fois cette autorisation obtenue, l’opérateur doit proposer un contrat à la copropriété concernée par la pose d’une antenne. L’installation d’une antenne GSM sur le toit d’une copropriété se traduit par le versement d’un loyer. Du point de vue juridique, l’opérateur propose à la copropriété de louer une partie du toit par le biais d’une « convention de droit commun » régie par le code civil. Ce type de contrat est le plus souvent établi pour une durée de 10 ans. Cette durée correspond à l’amortissement du coût de l’installation. Le contrat comprend également des clauses de maintenance et de démontage de l’antenne (ou de son remplacement). En fin de contrat, l’opérateur doit rendre la partie de toit loué dans son état d’origine. Cela va de soi, mais il est important de préciser que l’accès à l’antenne doit être permanent, que l’opérateur et/ou l’antenniste chargé de la maintenance doit disposer des clés ou des codes d’accès au site de l’antenne. À noter également que toute modification de l’installation impose un nouveau vote en assemblée générale. Pour que le projet aboutisse, il doit être soumis au vote des copropriétaires, lors de l’assemblée générale annuelle, voire lors d’une assemblée générale extraordinaire. Le vote doit être validé par l’ensemble des copropriétaires à la majorité absolue. Néanmoins, en cas de blocage, la loi laisse une possibilité de rattrapage, si au moins un tiers des copropriétaires a voté pour l’installation d’une antenne. Dans de deuxième cas de figure, le vote se fait à la majorité simple des copropriétaires présents ou représentés, mais il existe encore dans ce cas un recours possible pour le ou les copropriétaires qui auraient voté contre cette installation. Ces derniers disposent d’un délai de deux mois pour saisir la justice et demander d’annuler le vote. Pour compliquer un peu le tout, un certain flou semble exister dans les faits sur le mode de scrutin retenu, avec des actions en justice qui ne sont pas toutes arrivées à la même conclusion ! Enfin, un locataire peut aussi s’opposer à la pose d’une antenne GSM. Il ne peut évidemment pas participer au vote, mais il peut intenter une action en justice auprès de son bailleur. Pour cela, il doit néanmoins prouver, et c’est sans doute le plus difficile, qu’il subit un trouble « de manière directe et certaine ». Une telle démarche est également possible de la part du voisinage immédiat, sous l’angle du principe de précaution et/ou « de troubles anormaux pour le voisinage ».
Des avantages…
Le premier avantage est évidemment le loyer perçu, variable en fonction du site et des opérateurs, qui peut être versé à intervalles réguliers ou en une seule fois pour la durée du contrat. Cette dernière solution peut intéresser les copropriétés qui sont en recherche de financement pour des projets de travaux par exemple. Le montant du loyer annuel varie en fonction de plusieurs critères : la hauteur de l’immeuble, l’emplacement, la région en fonction des besoins d’installation d’antennes, l’opérateur… Les montants généralement constatés varient en moyenne de 10 à 20 000 €, ils peuvent aussi être moins élevés en fonction du lieu. Les sommes versées sont gérées par le syndic de copropriété qui peut les utiliser de différentes façons, soit en les reversant sur le compte de chaque copropriétaire, soit en les versant sur un fond « travaux », soit en les utilisant pour payer des charges courantes… toutes ces possibilités étant dans tous les cas de figure bénéfiques aux copropriétaires. Il reste que la pose d’antennes fait encore polémique, à tort ou à raison, en particulier vis-à-vis des ondes électromagnétiques et de leur répercussion sur la santé. De nombreuses études réalisées dans plusieurs pays amènent à des conclusions souvent contradictoires, ce qui ne peut qu’amener à se réfugier derrière le principe de précaution, en l’absence de conclusions concordantes et totalement indépendantes. Accessoirement, il est également reconnu que la présence d’une antenne GSM peut faire perdre de la valeur à la copropriété, voire aux bâtiments situés alentour.
et des craintes toujours présentes
Les craintes se concentrent autour de plusieurs axes. En 2011, le CIRC classait les radiofréquences comme « cancérogènes possibles » pour l’homme. Un groupe de travail interdisciplinaire du Centre International de Recherche contre le Cancer, qui est une agence de recherche de l’OMS (l’organisation mondiale de la santé) basée à Lyon, examinait cette année-là la littérature scientifique disponible et concluait à un risque possible. À la même époque, un comité d’experts spécialisés (CES) de l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) concluait de façon générale sur les effets sanitaires : « L’actualisation de cette expertise collective a reposé sur l’analyse d’un très grand nombre d’études, dont la majorité a été publiée au cours des cinq dernières années. La validité de ces études a été analysée et n’est pas toujours acquise. Les données issues de la recherche expérimentale disponibles n’indiquent pas d’effets sanitaires à court terme ni à long terme de l’exposition aux radiofréquences. Les données épidémiologiques n’indiquent pas non plus d’effets à court terme de l’exposition aux radiofréquences. Des interrogations demeurent pour les effets à long terme, même si aucun mécanisme biologique analysé ne plaide actuellement en faveur de cette hypothèse ». Il faut ajouter le problème avéré des personnes dites « électro-sensibles », qui se traduit entre autres par des troubles importants du sommeil. L’Anses insiste pour que la souffrance des malades soit prise en compte, mais les experts de l’agence refusent de reconnaître pour l’heure un lien de causalité avec les champs électromagnétiques. Toujours à ce sujet, les différents opérateurs insistent sur le fait que la 5G émet moins d’ondes que la 4G, ce qui laisse sous-entendre (dixit les opposants), que les ondes émises par la 4G peuvent donc être nocives. Pour toutes ces raisons, il reste qu’en 2023, des craintes, fondées ou non, subsistent, même si les cas d’opposition à la mise en place d’antennes relais ont fortement diminué. D’où l’importance de pouvoir s’appuyer, en fonction de ses craintes et de ses convictions, sur les différentes procédures de vote et de recours mis en place par la législation.
Gérard Guérit
Les offres des opérateurs
Les opérateurs de téléphonie mobile installent en général leurs antennes de télécommunications sur des toitures ne leur appartenant pas. Ils concluent alors un accord avec le propriétaire de l’immeuble au moyen d’un bail commercial leur permettant d’installer leurs équipements sur les lieux. Les opérateurs sont donc en mesure d’établir leur réseau sans être contraints d’acquérir la parcelle, et les propriétaires de leur côté bénéficient d’un loyer tel que défini dans le contrat de location. Les opérateurs proposent généralement à la copropriété un bail de dix ans. L’installation de l’antenne se fait suite au payement d’un droit d’entrée, qui peut varier de 8 000 à 15 000 €. Durant toute la durée du bail, l’opérateur verse ensuite un loyer annuel oscillant entre 5 000 et 20 000 € ; la majorité d’entre eux se situent aux alentours de 15 000 €, une rentrée d’argent qui peut par exemple aider à la rénovation des parties communes sans que les propriétaires n’aient à trop investir. Les offres des différents opérateurs doivent être étudiées avec attention par les copropriétaires,
qui doivent prendre en compte différents aspects de la construction et de l’entretien de l’antenne. Tout comme dans toute transaction immobilière ou foncière, les conditions particulières du bail sont énoncées dans un contrat lui-même enregistré au registre foncier. Ainsi, même si la propriété est cédée ou vendue, ou si l’opérateur décide de se retirer du site à un moment donné, les droits de chacun sont protégés. Bien que l’emplacement soit un facteur primordial dans le montant du bail, d’autres variables et facteurs de risque sont à prendre en compte. Les termes du contrat de bail, les taux d’indexation en vigueur, l’identité du ou des opérateur(s) présent(s) sur le site, l’inflation… sont autant d’aspects à considérer, lorsque l’on détermine la valorisation d’un bail de ce type.
« Le téléphone mobile, plus dangereux que la 5G », Maxime Blondet (Ariase)
« Faut-il avoir une confiance aveugle dans les opérateurs de téléphonie et dans les acteurs du web, dont les intérêts sont d’abord commerciaux ? Ou, au contraire, faut-il trouver refuge sur une île déserte, à l’abri du moindre réseau mobile ou Internet ? Il faut plutôt faire confiance aux autorités de régulation et aux agences spécialisées. Il faut aussi rester attentif aux recherches scientifiques en la matière. Et, surtout, il faut faire preuve de bon sens. En 2011, l’OMS a qualifié les ondes électromagnétiques comme peut-être cancérogènes pour l’homme. Mais, la recherche n’a pas pu établir de lien de cause à effet. En France, un rapport de l’Anses semble exclure un quelconque danger de la 5G sur la santé. Au moins à court terme. La 5G va mécaniquement faire augmenter le niveau d’exposition aux ondes. C’est normal, puisqu’on rajoute de nouvelles fréquences et que notre consommation d’internet mobile augmente. Mais, à quantité égale de data, la 5G émettra moins d’ondes que la 4G et fera diminuer les risques liés aux rayonnements. Car le traitement du signal est différent. De l’avis de nombreux spécialistes, ce n’est pas tant les ondes de la 5G ou de la 4G qui représentent un danger pour la santé, mais plutôt le téléphone mobile. La différence de niveaux d’exposition entre un téléphone mobile, une personne et les antennes relais, est très élevée, de l’ordre de cent ou mille fois plus élevé pour le téléphone mobile ».
L’avis de Samira Hadjadj, avocate à la Cour
La décision de l’assemblée générale des copropriétaires d’installer une antenne de radiodiffusion sonore, télévision hertzienne ou d’une antenne satellite, doit être prise en application des dispositions de l’article 25 j de la loi de 1965. L’installation d’une antenne individuelle sur la façade de l’immeuble ou sur un balcon nécessite qu’une autorisation soit donnée par l’assemblée des copropriétaires, dans les conditions de majorité précitée, au copropriétaire qui entend procéder à cette installation, laquelle affecte nécessairement les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble. Lorsque l’assemblée générale des copropriétaires n’a pas décidé à la majorité de l’article 25 j mais que le projet a recueilli au moins le 1/3 des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat, la même assemblée peut décider à la majorité prévue à l’article 24 en procédant immédiatement à un second vote. Lorsque le projet n’a pas recueilli au moins le 1/3 des voix de tous les copropriétaires, une nouvelle assemblée générale, si elle est convoquée dans le délai maximal de trois mois, peut statuer à la majorité de l’article 24. La rédaction actuelle de l’article 25 j de la loi du 10 juillet 1965 ne semble pas permettre l’installation d’une antenne-relais de téléphonie mobile à la majorité absolue, puisqu’il ne s’agit ni d’une antenne collective, ni d’un réseau de communication électronique interne à l’immeuble. Une réponse ministérielle a précisé que l’opérateur devait demander une autorisation d’installation à l’assemblée, qui statuera à la double majorité de l’article 26.
La cour d’appel de Paris applique la majorité de l’article 25 de la loi de 1965 (CA Paris, 23e ch., sect. B, 3 févr. 2010, n° 08/09191 : Loyers et copr. juin 2010, comm. n° 174, note G. Vigneron). En l’espèce, cette majorité n’ayant pas été atteinte mais le projet ayant recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, il peut être procédé à un second vote à la majorité de l’article 24 (L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 25-1).
Cependant, une autre position a été adoptée précédemment par cette même cour sur une autre motivation (CA Paris, 23e ch., sect. B, 7 avr. 2005, n° 04/12610 : Loyers et copr. 2005, comm. n° 144, obs. G. Vigneron). Elle a jugé qu’en raison du risque potentiel pour la santé des occupants de l’immeuble, l’installation nécessitait le consentement unanime des copropriétaires. Par ailleurs, l’installation est susceptible de causer un préjudice aux immeubles voisins : c’est ainsi qu’une cour d’appel a condamné un syndicat de copropriétaire et un opérateur à verser solidairement aux copropriétaires de l’immeuble voisin une somme en réparation de la dépréciation apportée à leur propriété (CA Paris, 19e ch., sect. A, 7 janv. 2004, n° 2003/02301 : Administrer, févr. 2004, p. 47).