C’est dans un immeuble des années trente, dans le 15e arrondissement de Paris, appartenant à Paris Habitat, célèbre bailleur social, que de la paille a été utilisée pour réaliser une isolation thermique par l’extérieur (ITE). C’est une expérimentation unique pour un immeuble occupé dans le cadre d’une rénovation.
L’immeuble de quatorze logements situé au 132 rue de la Convention à Paris, et occupé par des locataires a été racheté par le bailleur Paris Habitat sur une indivision familiale pour faire des logements conventionnés. Datant des années trente, ce bâtiment devait être remis aux normes en matière de sécurité incendie, d’électricité et de gaz. Paris Habitat a également choisi de remplacer les menuiseries simple vitrage par du double vitrage et de faire un ravalement assorti d’une isolation thermique par l’extérieur partielle sur deux pignons arrière, seul endroit où une ITE était envisageable.
« Nous avons remplacé des fenêtres bois par du bois, explique Benoît Quertier, chef du service patrimoine de Paris Habitat, par respect de l’architecture d’origine. Nous sommes engagés sur de la rénovation énergétique durable sur l’ensemble de notre parc immobilier alors nous essayons autant que faire se peut d’être le plus vertueux possible ».
De la paille en guise d’isolant
« Pour l’isolation extérieure, complète Benoît Quertier, nous cherchions un matériau avec un bilan carbone le plus bas possible, biosourcé et local. C’est ainsi que nous avons opté pour la paille qui est une véritable solution innovante et biosourcée. Jusque-là réservée au neuf ou aux maisons individuelles, nous avons osé l’utiliser dans le cadre d’une réhabilitation collective en milieu occupé, démarrée l’hiver dernier et qui s’est terminée en novembre 2020. Sur cette opération, nous avons la chance d’être dans un immeuble mitoyen d’une parcelle qui nous appartient, car l’épaisseur de l’ITE avec la paille venait mordre sur la parcelle voisine. Nous sommes sur une épaisseur de 47 cm pour un coefficient de résistance thermique R = 7 m2 K/W (Kelvin par Watt). Ce coefficient informe donc sur la capacité de l’isolant thermique à résister au froid et à la chaleur. Plus la résistance thermique R est grande, plus le matériau est isolant. En comparaison, pour avoir un R de 7, il faut 30 cm de laine minérale. De plus, la botte de paille favorise une consommation énergétique très basse en hiver et un confort en été. Il s’agit aussi d’un matériau rejetant très peu de composés organiques volatiles (COV). Constituant durable, la botte de paille a également l’avantage d’être l’isolant ayant la plus faible énergie grise, c’est-à-dire, celui qui aura consommé le moins d’énergie au cours de sa production ou de son transport par exemple. Et pour des questions économiques, nous avons choisi de ne pas retravailler la paille. Nous avons pris les bottes brutes pour la pose. Nous avons juste vérifié la densité et le taux d’humidité des bottes. Enfin, la paille s’avère aussi très abondante en France ».
Sur ce chantier, la paille a été achetée à un agriculteur de Seine-et Marne (77) à moins de 50 km du chantier, favorisant ainsi les circuits courts. Paris Habitat a, en partenariat avec le Collect’IF Paille, promoteur du développement de l’usage de la paille dans la construction en Île-de-France, décidé d’introduire cette pratique pour l’isolation thermique des deux murs pignons de cette résidence.
Un coût maîtrisé pour une réalisation écologique
Très concrètement, la pose de la paille, réalisée à partir de juillet 2020, aura été assurée selon deux techniques qui précèdent la pose d’un enduit et permet également de réduire les coûts.
« Nous avons veillé, précise Benoît Quertier, à ce que la maîtrise d’œuvre soit accomplie par des entreprises qui avaient l’expertise de ce matériau. Sur la partie basse, les bottes de paille sont posées horizontalement à l’aide de bretelles, à raison de deux bretelles par botte. Elles sont ancrées dans le mur puis tendues. Concernant les étages supérieurs: il s’agit d’une insertion dans une ossature en bois selon une technique dite en épine. Il est important de préciser que le dispositif bénéficie d’une garantie décennale au même titre qu’une autre isolation par l’extérieur. Remplissage isolant, elle sert également de support à la réalisation de l’enduit de corps chaux et sable de 4 à 5 cm projeté directement sur la paille. Un enduit de finition vient terminer l’ouvrage qui ne comporte ainsi aucun matériau synthétique ou plastique ».
Une ITE par paille a un coût de 243 €/m². Coût comparable à celui d’une ITE avec un bardage et une isolation en laine minérale chiffrée à 220 €/m².
« Nous avons utilisé 550 bottes de pailles, conclut Benoît Quertier, ce qui peut devenir un débouché pour les agriculteurs. Nous avons fait un calcul global qui aboutit à une réduction de 30 % des consommations d’énergie en prenant en compte l’ensemble des opérations de rénovation menées sur l’immeuble. Les locataires vont bénéficier d’un immeuble bien isolé, de plus de confort, d’une réduction de charges significative et une baisse de leur consommation de chauffage (l’immeuble est chauffé par le chauffage urbain collectif CPCU) ».
N’ayez crainte, la paille ne fait pas de poussière, le chantier est propre pour les riverains et sur les parties basses, il peut être participatif et ce fut le cas de celui-ci et servir de formation pour les architectes qui souhaiteraient se lancer dans cette nouvelle technique d’isolation. Ce chantier exemplaire réalisé par Paris Habitat pourrait tout à fait se réaliser sur des immeubles en copropriété. Parlez-en à vos syndics!
Engagé dans la transition énergétique
Acteur majeur du logement social en Île-de-France, Paris Habitat est aussi engagé dans une démarche de responsabilité sociétale et sociale. C’est pourquoi, la pose de la paille a aussi été l’occasion de soutenir la formation et l’insertion au travers de chantiers de formation et d’éducation menés respectivement par le Collect’IF Paille et le groupement Apij Bat. Plus largement, Paris Habitat se mobilise depuis plusieurs années sur les questions de transition énergétique et environnementale et de lutte contre le réchauffement climatique L’établissement est ainsi devenu, en 2016, le premier bailleur social français à obtenir la certification environnementale ISO 50001 pour ses actions en faveur de la performance énergétique de sa production et de sa gestion du patrimoine immobilier. Il a aussi mis en place un système de management de l’énergie visant à renforcer la maîtrise des consommations énergétiques des locataires et à augmenter la part des énergies renouvelables. Signataire également de la charte Paris action climat (2018), Paris Habitat s’est résolument engagé à soutenir la vision d’une ville neutre en carbone et 100 % énergies renouvelables d’ici 2050.