La convention d’indemnisation et de recours des sinistres immeuble (IRSI) a-t-elle vraiment amélioré la gestion des sinistres ? Quatre ans après sa mise en application, nous avons voulu dresser le bilan. Si l’accélération de la gestion des sinistres apparaît comme le point positif, la recherche de fuites pose encore problème.
L’IRSI, la convention d’Indemnisation et de recours des sinistres immeuble, en application depuis le 1er juin 2018, a été mise en place pour apporter une solution aux assureurs dans le traitement de la problématique de la recherche de fuite dans les copropriétés. Son objectif est aussi d’améliorer le service aux assurés. Les grands principes de l’IRSI se conjuguent en trois points : une définition commune et large de la recherche de fuites, une organisation et une prise en charge du sinistre par l’assureur gestionnaire (généralement l’assureur de l’occupant) et une prise en compte des situations particulières, comme l’impossibilité d’accès dans le local où la recherche de fuite doit être effectuée.
Accélérer la gestion des sinistres : 1er objectif atteint
Selon la Fédération des assureurs, les retours enregistrés depuis la mise en place de la convention d’indemnisation et de recours des sinistres immeubles sont plutôt positifs, l’IRSI semblant faciliter et accélérer la gestion des sinistres tels que les dégâts des eaux et les incendies. « L’ancienne Convention CIDRE, qui datait de 1976, impliquait un délai de règlement des sinistres très long à cause de l’intervention d’un trop grand nombre d’experts. Chez Verspieren, dans le cadre de notre qualité d’assureurs multirisque immeubles, nous intervenions parfois en double par rapport à l’assureur du locataire ou du copropriétaire. Sur ce sujet, l’IRSI a remodelé la donne car l’on pense désormais en terme de local, un appartement étant considéré comme un local, de même que les parties communes de l’immeuble, et cela simplifie la gestion du sinistre », explique François Gosselet, responsable adjoint multirisque Immeuble. Avant l’existence de l’IRSI, les assurances rencontraient également des complications avec les franchises contractuelles qui pouvaient être à la charge de l’assureur du locataire ou de l’assureur du syndic de copropriété. François Gosselet précise : « Nous étions obligés de les appliquer puisqu’elles découlaient de la police d’assurance. Quand un locataire déclarait un sinistre et que le syndic intervenait avec une franchise au contrat, nous appliquions la franchise. Dans la convention IRSI, il y a abandon des franchises contractuelles puisque l’on considère que tout le monde est assuré en recherche de fuites, en dégât des eaux et en responsabilité civile-dégât des eaux ».
Qu’est-ce l’expertise en compte commun ?
Avec l’IRSI, l’instauration de l’expertise en compte commun devient une analogie à l’expertise rencontrée sur les contrats de construction et de dommages-ouvrages. Auparavant, était nommé un expert par tiers touché. Pour un même sinistre dans un appartement, il pouvait donc y avoir trois experts : l’un pour le locataire, un autre pour le propriétaire-bailleur et un troisième pour le syndic. Mais qui dit trois experts, dit trois dates d’expertises différentes et trois possibilités de contestations sur les conclusions… d’où de gros problèmes de gestion. Amélie Ovarez, gestionnaire indemnisation au sein du groupe Odealim, courtier spécialisé en assurances d’immeubles dont l’IRSI est le quotidien depuis quatre ans, se réjouit de cette expertise en compte commun : « Aujourd’hui, le principal point positif est qu’il n’y a désormais qu’un seul assureur gestionnaire (celui du sinistré) pour gérer les dégâts des eaux et incendie inférieurs à 5 000 €, mandater un expert puis répartir la prise en charge des dommages. Par ailleurs, le fameux délai de 21 jours à respecter dans le cadre de l’expertise contradictoire n’existe plus puisqu’il s’agit d’une expertise pour compte commun. Ces deux points accélèrent le délai de traitement du sinistre ». Vincent Joye, expert conseil indemnisation immeuble chez SADA Assurances (groupe DEVK), spécialisé en assurances immeubles, précise cependant : « Le Rapport d’expertise en commun (REC) est actuellement non modifiable, c’est-à-dire qu’aujourd’hui l’expert ne peut pas modifier sa version initiale s’il s’aperçoit d’une erreur ou si de nouveaux éléments apparaissent. Nous pensons qu’il serait plus judicieux de pouvoir remplir des rapports d’expertise complémentaires. Cela nous apporterait un confort supplémentaire ».
Vers un troisième avenant ?
Malgré les améliorations apportées par l’IRSI, les assureurs semblent encore se heurter à certaines difficultés. La Fédération Française de l’Assurance précise que le principe de recherche de fuites par l’assureur de l’occupant est parfois complexe à gérer, celui-ci intervenant dans des immeubles qu’il ne connaît pas en général. Cela peut donc créer des situations de blocage et des sources de litiges d’autant que les syndics (tiers à la Convention), ont des pratiques différentes selon les copropriétés. « L’avenant et les modifications de l’IRSI, entrées en application le 1er juillet 2020, ne semblent pas avoir réussi à éclaircir complètement la garantie recherche de fuites, et je pense que nous serons amenés à faire un troisième avenant sur le sujet », explique François Gosselet. Pour le moment quand un sinistre a lieu dans les parties communes, il reste à la charge de l’assureur du syndic de copropriété, chargé de diligenter la recherche de fuites et de la prendre en charge. Pour toutes les parties privatives, c’est soit l’assureur du locataire, soit l’assureur du copropriétaire occupant ou non-occupant qui doit prendre en charge le sinistre et la recherche de fuites. Mais il semblerait qu’aujourd’hui, les Mutuelles aient du mal à jouer le jeu et n’accepteraient de faire une recherche de fuite que dans l’appartement qu’elles assurent. Or, si une tâche au plafond est constatée dans un appartement, la recherche doit être faite par l’assureur de l’occupant, que la cause du sinistre provienne d’un appartement voisin ou de son propre appartement. Afin de ne pas être lésées, les Mutuelles interprètent la Convention IRSI à leur manière car avec l’abandon de recours jusqu’à 1 600 € HT, prévu par l’IRSI, l’assureur de l’occupant ne peut se retourner contre l’assurance couvrant le lieu de départ du sinistre.
Des améliorations à prévoir
En théorie et sur le papier, le chapitre sur la recherche de fuite semble clair mais il l’est beaucoup moins en pratique surtout pour les assureurs des syndics. Pour Verspieren, l’idéal serait de revenir à la partie n° 1 de la convention IRSI qui définissait que celle-ci devait être gérée par le premier intervenant (syndic, copropriétaire ou locataire) avec possibilité d’un éventuel recours conventionnel. Il est également possible de définir que le syndic de copropriété est systématiquement diligenté pour la recherche de fuites avec la possibilité conventionnellement d’envoyer un recours contre le responsable. En effet, n’avoir qu’un seul interlocuteur facilite la gestion des dossiers. « Depuis 2018, nous nous sommes déjà réunis plusieurs fois autour de la table pour améliorer encore l’IRSI, donc je pense que d’ici une petite année, il faudra se pencher à nouveau sur cette question de recherche de fuite », conclut François Gosselet sur le sujet. La Fédération des assureurs, quant à elle, est plutôt pour laisser vivre un peu cette convention sous sa forme actuelle avant d’envisager de nouvelles améliorations.
Recherche de fuites : plus de pouvoirs pour les syndics
Amélie Ovarez explique qu’« en tant que courtier, nous sommes en contact quotidiennement avec nos clients syndics et les retours concernant la convention IRSI sont mitigés. En effet, avant l’IRSI, les syndics avaient pour habitude de gérer toutes les recherches de fuites. Ils étaient donc au courant de tous les dégâts des eaux qu’il pouvait y avoir dans l’immeuble et c’était eux aussi qui envoyaient leur plombier attitré pour déterminer la provenance de la fuite et la réparer. Désormais, la recherche de fuites doit parfois être diligentée par un occupant ou son assureur, si elle semble provenir d’un local privatif. Mais tout le monde ne joue pas le jeu et pendant ce temps… l’eau coule ! Pour éviter ce blocage, il serait opportun que le syndic soit systématiquement chargé de la recherche de fuites dans le cadre d’une garantie par l’assureur de l’immeuble, avec possibilité pour ce dernier de faire un recours au premier euro contre le copropriétaire responsable quand il s’agit d’une fuite privative. En réalité, la recherche de fuites reste vraiment le gros point noir de cette convention IRSI. Nous continuons d’ailleurs à faire remonter les problématiques aux compagnies et aux experts avec lesquels nous travaillons et espérons une amélioration dans ce sens. Depuis quatre ans que je suis en charge des formations IRSI auprès de nos clients syndics, c’est un sujet récurrent qui amène beaucoup de questions ».
Des copropriétaires non assurés !
Depuis la loi Alur, le copropriétaire non occupant a l’obligation de s’assurer ne serait-ce qu’en responsabilité civile mais malheureusement cette obligation n’est pas sanctionnée si elle n’est pas respectée et beaucoup de copropriétaires non occupants ne sont pas assurés. La convention IRSI a mis en avant l’importance de cette assurance du copropriétaire non occupant avec une répartition de la prise en charge des dommages entre l’assureur de l’immeuble, l’assureur du locataire et l’assureur du copropriétaire occupant ou non. Avant l’IRSI, tous les dommages immobiliers privatifs d’un appartement (parquet, carrelage, porte palière par exemple) étaient conventionnellement à la charge de l’assureur de l’immeuble. La convention IRSI a modifié cela. Désormais si un dégât des eaux occasionne des dommages à un parquet dans un appartement, ce parquet est à la charge de l’assureur du copropriétaire, qu’il soit occupant ou non occupant.
« Cette règle a quelque peu rééquilibré la sinistralité mais il existe toujours des cas où cela retombe sur l’assureur de l’immeuble, notamment quand le copropriétaire non occupant n’est pas assuré. Chez Odealim, nous avons pour principe d’alerter les syndics sur ce point en les invitant à rappeler leur obligation aux copropriétaires non occupants », réagit Amélie Ovarez.
Sylvie Lenormand
L’avis de Dalila Bégriche (Syndicat national des professionnels de l’immobilier SNPI)
« De la convention IRSI, nous avons des retours positifs et négatifs des syndics et des gestionnaires locatifs. Ces derniers notamment se posent beaucoup de questions sur la délégation de paiement et estiment que la convention IRSI devrait intégrer ce point pour un paiement au bénéfice du propriétaire. En effet, aujourd’hui rien n’est prévu à ce sujet et quand il y a un sinistre, c’est l’assurance de l’occupant qui entre en compte, donc c’est le locataire qui perçoit les indemnités de remboursement pour effectuer les travaux. Or les travaux doivent être réalisés par le propriétaire représenté par son gestionnaire locatif. Cela relève du cas particulier à étudier. Le problème persiste avec les occupants qui n’ont pas d’assurance. C’est l’assureur de l’immeuble qui va être désigné par subsidiarité. C’est alors aux syndics d’agir et de faire la recherche de fuite avec pour conséquence une augmentation du nombre de sinistres pour la copropriété et donc une augmentation des cotisations d’assurance ! Le principal point positif est la rapidité du traitement des sinistres grâce à la présence d’un seul pilote. À ce niveau, la convention IRSI a véritablement atteint son objectif. Ce qui est également intéressant, c’est la prise en compte des locaux meublés qui ne l’étaient pas avec la convention CIDRE. Le point qui concerne le copropriétaire-bailleur en cas de congés de son locataire est à la fois un avantage et un inconvénient. L’assurance du copropriétaire non-occupant va organiser la recherche de fuite. C’est un avantage pour le copropriétaire-bailleur qui sera certain d’avoir un interlocuteur mais aussi un inconvénient car le bailleur est récalcitrant à actionner son assurance, par peur d’une augmentation des primes. Il est toujours difficile de satisfaire tout le monde ».
L’avis de Samira Hadjadj, avocate à la Cour
La convention IRSI a un champ d’application plus étendu que la convention CIDRE. En effet, outre les sinistres dégâts des eaux, elle a également vocation à gérer les sinistres incendie. Par ailleurs, la convention prévoit désormais, au titre du sinistre dégât des eaux, la prise en charge de la recherche de fuite. La convention raisonne par local sinistré et deux tranches de sinistres ont été définies :
• Tranche n°1 : jusqu’à 1 600 € HT, la convention IRSI prévoit la prise en charge de l’intégralité des dommages matériels afférents au local sinistré. C’est l’assureur de choses de l’occupant du local sinistré (l’assuré lésé) qui est désigné comme l’assureur gestionnaire. L’assureur n’a pas de possibilité d’effectuer de recours subrogatoire à l’encontre des autres assureurs (sauf en cas de sinistre répétitif). Cet assureur se charge d’évaluer le montant des dommages et de l’organisation de la recherche de fuite avec deux exceptions. Ainsi, lorsque la recherche de fuite a été faite avant la désignation de l’assureur gestionnaire, elle sera prise en charge par l’assureur de celui qui l’a organisée. Dans les cas de situations complexes ou de blocage, tel qu’un voisin ou un propriétaire qui refuse l’accès à son local, c’est à l’assureur de l’immeuble qu’il incombe de l’organiser ;
• Tranche n°2 : pour les sinistres compris entre 1 600 € HT et 5 000 € HT, c’est encore l’assureur gestionnaire qui est tenu de procéder à l’évaluation de l’ensemble des dommages du local et de mandater un expert, qui interviendra pour le compte de l’ensemble des assureurs. Ses conclusions seront opposables à tous les assureurs concernés par le sinistre, qui ne pourront, en aucun cas, les contester. Cette expertise pour compte commun (inexistante dans les anciennes conventions) va simplifier et accélérer la gestion du sinistre. Une fois l’indemnisation versée, l’assureur gestionnaire pourra exercer un recours subrogatoire contre le ou les assureurs du ou des responsables. Au-delà de 5 000 € HT, le sinistre est géré en application des règles du droit commun. Attention, les locaux professionnels et les locaux commerciaux sont exclus par la Convention de la tranche 2. Dès lors, au-dessus de 1 600 € HT, le sinistre est géré en application des règles du droit commun.