N’ayons pas peur des paradoxes : dans cette période économique sombre, au cœur du défi de la transition environnementale, c’est le moment pour les syndics d’augmenter leurs honoraires. On pensera ce propos d’ouverture provocateur, et sans doute à lire au second degré, servi pour défendre une autre cause. Il n’en est rien. Démonstration. On s’accordera d’abord à reconnaître que les circonstances compliquent notoirement la tâche des syndics de copropriété. Ils sont conduits à réaliser des missions qui étaient inimaginables naguère encore, et pourtant cardinales pour les copropriétaires. L’inflation d’abord les place dans une situation triplement délicate : ils doivent annoncer aux copropriétaires des immeubles qu’ils gèrent à quelles augmentations du prix de l’énergie ils sont confrontés, en particulier dans la perspective de l’hiver, mais d’ores et déjà impactantes pour les budgets des copropriétés. Pas de meilleures nouvelles quant aux matériaux pour l’entretien et les réparations. Les syndics doivent ensuite travailler sur les contrats en renouvellement pour sauvegarder autant que possible les intérêts des copropriétaires. Enfin, ils vont inévitablement rencontrer des difficultés majorées pour recouvrer les charges, auprès de ménages désolvabilisés par la hausse de toutes leurs dépenses contraintes, a fortiori face à l’alourdissement des factures énergétiques qui vont grever les charges trimestrielles à venir. Les syndics vont d’ailleurs recevoir une mission corollaire : faire respecter les mesures de frugalité dans le logement, décidées à la lumière des travaux du groupe ad hoc créé par le gouvernement. Deux grandes mesures ont été posées dès la première réunion, l’abaissement à 19 degrés de la température ambiante -qui est déjà une obligation règlementaire- et développer l’équipement en compteurs individualisés de chauffage des copropriétés -imposée par la loi de 2015, modifiée par le loi ELAN de 2018-.
À chacun sa responsabilité
Enfin, l’accent mis sur les comportements et la responsabilisation des copropriétaires occupants comme des locataires des copropriétaires bailleurs ne change pas les objectifs d’amélioration technique des logements. Le gouvernement, malgré les demandes reçues des lobbies, reste inflexible sur le calendrier de la loi Climat résilience promulguée le 22 août 2022. Les syndics sont les bras armés de cette mutation. Pour le dire plus justement, sans eux elle échouera. Le gouvernement ne mesure peut-être pas qu’ils sont la condition de la réussite à laquelle la France s’est engagée… car le pays n’a pas le droit de faillir en la matière, alors qu’il se veut exemplaire et que les preuves du dérèglement climatique sont à nos portes. Pour atteindre le cap, les syndics vont devoir élargir leurs compétences et devenir des vaporisateurs du patrimoine collectif… sans pouvoir cesser d’en être les gestionnaires du quotidien, capables de résoudre le moindre embarras. Pour résoudre cette quadrature du cercle, ils vont devoir revoir leurs équations : si le portefeuille d’un gestionnaire n’est pas allégé, il ne sera pas en mesure d’accomplir les missions courantes et les missions à plus forte valeur ajoutée. Les copropriétaires doivent réaliser cette évidence et les syndics doivent l’expliquer sans états d’âme. Les organisations qui les représentent ont la responsabilité de les y aider par leurs prises de position. Déjà avant ces évolutions, le modèle économique de l’activité de syndic était à revoir. Comment comprendre qu’il leur faille ferrailler pour obtenir d’une assemblée générale une révision de 10 € ou 20 € par lot et par an, quand leurs tâches ont cru de 20, 30 ou 40 % au gré des plus récentes lois ? Sans compter que l’attractivité du métier, enjeu supérieur, passe par des conditions de travail améliorées, à commencer par une réduction du nombre d’immeubles confié à chaque collaborateur, elle-même dépendante du redressement de l’honoraire moyen. La productivité doit également croître, bien sûr, grâce au digital, mais elle ne résout qu’une partie du problème. Quand on a vraiment besoin du médecin, on ne discute pas le montant de sa consultation. Le rapport des copropriétaires à leur syndic est désormais de cet ordre-là. Une façon aussi de dire aux syndics qu’on attend d’eux compétence, enthousiasme et engagement : on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. On entend néanmoins une objection forte : la communauté professionnelle ne sera jamais assez soudée pour procéder à cette hausse collective et significative des honoraires. Alors il faut que l’État prenne les choses en main, dans son intérêt puisqu’il s’agit de faire gagner l’action publique : décréter des honoraires planchers ne serait-il pas salutaire ? La France de l’inflation à gérer et de la transition écologique des copropriétés à organiser ne pourra s’accommoder de syndics médiocres médiocrement rétribués. Il est temps de le dire haut et fort.