Il faut reconnaître qu’on est prompt dans notre pays à critiquer les pouvoirs publics, l’État en tête. Il est vite coupable de tous les maux. La communauté immobilière n’est pas en reste lorsqu’il s’agit de désigner le gouvernement et le parlement à la vindicte : ils n’entendent rien aux logiques de l’immobilier, à la psyché des propriétaires, qu’ils soient investisseurs ou copropriétaires. Au rang des reproches faits, l’immixtion permanente dans les affaires privées et l’envie incessante de créer de nouvelles contraintes. À cet égard, le législateur a mis en œuvre dans la loi Climat Résilience une stratégie nuancée : la contrainte pour les propriétaires bailleurs et l’incitation seulement pour les copropriétaires en tant que tels, c’est-à-dire pour les parties communes, qu’ils soient investisseurs ou occupants en ce qui concerne les parties privatives qu’ils détiennent.
Les lobbies ont d’ailleurs revendiqué comme une victoire d’avoir évité des obligations pour les propriétaires de maisons individuelles comme d’appartements en copropriété.
La seule question qui demeure consiste à savoir si l’absence d’obligation va suffire…
Tout repose sur un dispositif qui crée une obligation de diagnostic et de planification pluriannuelle de travaux, laissant à la discrétion du syndicat des copropriétaires le choix de voter ou pas les travaux préconisés.
En clair, le législateur compte sur la prise de conscience entraînée par le diagnostic, les copropriétaires réalisant les conséquences de piètres performances environnementales. Dévalorisation de l’immeuble et de ses composantes, les lots qui le constituent, moindre confort de vie… et pour les bailleurs, difficulté à louer, sachant qu’ils sont statistiquement entre 50 % et 60 % des copropriétaires au cœur de nos grandes villes… On précisera en effet que le législateur a ouvert une exception à l’interdiction de louer un logement énergivore dont les résultats du DPE seraient affectés par des parties communes elles-mêmes malades, à la condition que le copropriétaire bailleur puisse prouver avoir voulu voter des travaux refusés par la majorité au sein du syndicat.
Deux conditions au succès de cette stratégie qui fait le choix de la responsabilisation, de nature à réjouir les associations de propriétaires : l’accès à des financements, publics et privés, qui solvabilisent ceux qui n’ont pas les moyens, et des compétences qui éclairent et rassurent. Les syndics sont aux premières loges, de même que ces nouveaux acteurs, les accompagnateurs, inventés par la loi sur proposition d’Olivier Sichel. L’expert, directeur général adjoint de la Caisse des dépôts, avait rendu un rapport à la ministre du logement et imaginé un corps de conseillers pour favoriser les travaux. En pratique, il faudra recourir à eux dès qu’un chantier de plus de 5 000 € sera lancé. C’est dire que les accompagnateurs vont collaborer avec les syndics, lorsque la décision de travaux aura été prise. Les syndics sauront-ils convaincre et apaiser tous les doutes, par exemple sur l’amélioration réelle des performances de l’immeuble, dont la réduction des factures énergétiques, et sur sa valorisation ? L’engagement pris en commun par la FNAIM et l’UNIS de 50 000 chantiers en trois ans sera-t-il tenu ?
À la lecture du dernier bilan du GIEC, il faut se méfier des suites d’un échec de l’option respectant la liberté : ni la France ni les autres pays du monde n’ont désormais droit à l’erreur. La température monte comme le niveau des mers. La santé et la vie même de la planète et de ses habitants sont compromises. Notre législateur laisse aux copropriétés et à ceux qui les épaulent la bride sur le coup…
Il n’hésitera pas à contraindre si sa stratégie se révèle inefficace, lui-même contraint et forcé. À bon entendeur, salut. La menace climatique fait peser une menace juridique lourde sur les immeubles collectifs. La copropriété est en fait sommée de changer de monde, même si l’injonction se pare d’un gant de velours. Les copropriétaires et les syndics l’ont-ils bien compris ? Pas si sûr…
Il faut voir les choses en face ? La copropriété est et sera de plus en plus une sombre histoire d’argent. Il appartient aux syndics de transformer ce qui est sombre a priori en aventure heureuse. Dans l’intérêt des copropriétaires, certes, dans le leur aussi. On n’aime pas un percepteur, on sait louer les mérites d’un conseil en patrimoine qui valorise les actifs. Et si l’on est un jeune diplômé d’une école immobilière, on a davantage envie de piloter des enjeux économiques prospectifs que de ne gérer que le quotidien et les petites passions mesquines. Le syndic joue son destin dans cet élargissement de son rôle. À la clé, un lien de confiance épaissi, des honoraires d’un niveau digne et une relation d’une autre nature avec les copropriétés mandantes. Une belle histoire d’argent finalement.